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Dans le cadre d’un entretien, Hervé Glasel, neuropsychologue, spécialiste du développement de l’enfant et de l’adolescent, fondateur et Directeur du CERENE est revenu sur l’historique de la création du CERENE, ses valeurs et les grands défis du présent et du futur. 

Le futur du CERENE, je le vois de manière à pouvoir servir encore plus de familles, à étendre et approfondir notre dispositif afin que plus d’enfants puissent en bénéficier sans renoncer à l’exigence de fond : comprendre ce qu’on fait, comment on le fait, approfondir nos connaissances, tirer le meilleur parti de la compréhension des enjeux de tous ces troubles. 

Hervé Glasel

Neuropsychologue, spécialiste du développement de l'enfant et de l'adolescent, Fondateur et Directeur du CERENE

Pourquoi avez-vous décidé de créer le CERENE ?

D’abord parce qu’il y avait un manque. Il y avait un certain nombre d’initiatives mais on avait aucune structure adaptée pour les enfants atteints de troubles d’apprentissage. Il faut savoir qu’il y a une dizaine d’années, on était à un moment charnière, puisque à ce moment-là on était malheureusement encore beaucoup dans une logique très psychologisante des troubles d’apprentissage. La plupart des enfants ayant ces troubles étaient envoyés chez les psychothérapeutes pendant de nombreuses années sans résultats probants en termes d’impact scolaire. 

Il a fallu une forme de révolution intellectuelle pour que cette démarche soit dans les mains d’une expertise. Donc l’idée pour moi était de répondre à une problématique, une question à laquelle il n’y avait pas ou peu de propositions. J’ai ainsi décidé de créer une structure qui réunit sur un même site l’ensemble des besoins des enfants dys, à savoir le service pédagogique et paramédical. L’objectif était d’éviter la fragmentation, l’épuisement de la famille mais aussi permettre à l’enfant de bénéficier d’un dispositif d’accompagnement assez dense qui met à sa disposition des outils de contournements sans perdre de temps dans sa scolarité.

 

Il y a aujourd’hui un changement de paradigme sur la reconnaissance des troubles , comment le CERENE s’intègre dans ce nouveau paradigme ?

Le CERENE avait une petite longueur d’avance parce que quelque part à l’époque tout ce qui était autour de la reconnaissance des troubles d’apprentissage comme relevant du fonctionnement cognitif (traitement de l’information par le cerveau) était très controversé. Après quelques années on se retrouve dans une position pionnière dans les propositions qui ont été faites, en particulier dans le domaine neuroscientifique : compréhension du fonctionnement du cerveau de l’enfant et la proposition des mécanismes pour l’aider à contourner les difficultés. 

Si vous deviez définir le CERENE en une phrase ?

 

Le CERENE est une école qui permet aux enfants de révéler toutes leurs compétences en dépit de leurs troubles d’apprentissage. Une école dans laquelle ils vont apprendre à apprivoiser leurs troubles, à les contourner et à conquérir leur indépendance scolaire.

 

Quelle est la particularité des écoles CERENE ?

 

C’est d’abord d’être des écoles au sein desquelles il y a toute une série de compétences qui convergent c’est à dire que le professeur ne devient pas neuropsychologue, un orthophoniste ne devient pas un pédagogue, un responsable de vie scolaire ne devient pas un orthophoniste. On essaie de mobiliser les compétences de chacun au service d’un projet commun en gardant la spécificité de chacune de ces compétences et s’assurer que tout ce petit monde puisse travailler ensemble au service de l’enfant. 

 

Le CERENE est un lieu de convergence où on s’appuie sur un certain nombre de principes généraux qui fonctionnent. C’est une organisation ambitieuse qui garde un humanisme le plus large possible. Une sorte de polyvalence qu’on va utiliser pour libérer les forces des élèves et de chaque participant.

Quelles sont les valeurs clés du CERENE ?

 

C’est l’ambition, la diversité, l’humanisme, l’expérimentation. Toujours être dans une logique de se dire qu’on a compris un certain nombre de choses mais on doit aller plus loin, de ne pas s’enfermer dans un corpus délimité de savoir ou savoir faire.

 

Cela fait 12 ans que CERENE existe, à titre personnel qu’avez-vous tiré de cette expérience d’avoir créé et développé  cette structure ?

 

En réalité c’est une grande satisfaction. C’est un certain nombre de principes à priori, de pensées à priori qui ont pu donner de bons résultats. Une satisfaction d’avoir pu rendre  réel quelque chose qui n’était qu’une idée. C’est à la fois une forme d’émerveillement de voir que l’idée était bonne mais en même temps que cette idée a été enrichie, magnifiée grâce à la participation des personnes engagées depuis plus de 10 ans pour le CERENE. 

 

C’est également une grande satisfaction de voir que des enfants qui étaient en grande difficulté, en souffrance ont pu trouver leur autonomie, leur indépendance, sans oublier l’apaisement des familles. C’est quelque chose qui me touche énormément.

 

Comment envisagez-vous le futur du CERENE ?

 

Le futur du CERENE, je le vois de manière à pouvoir servir encore plus de familles, à étendre et approfondir notre dispositif afin que plus d’enfants puissent en bénéficier sans renoncer à l’exigence de fond : comprendre ce qu’on fait, comment on le fait, d’approfondir nos connaissances, tirer partie de mieux comprendre les enjeux de tous ces troubles. 

 

En termes sociétaux, dans quelle direction se dirige le CERNE ?

 

On va dans le bon sens. On a pris un virage qui me paraît irréversible. C’est d’être dans une logique d’expérimentation et de mise en pratique des avancées scientifiques. Une reconnaissance beaucoup plus raisonnable, de la manière dont on apprend sans mécaniser les apprentissages.  C’était la grande peur il y a quelques années. Aujourd’hui c’est le contraire, en étant au plus près de la racine des mécanismes d’apprentissage,  on permet à chacun de s’assumer en tant qu’être humain à part entière. Parce qu’un enfant ayant une dyslexie qui n’arrive pas à lire dans une société où on doit lire, il ne peut participer même à la vie sociale. On s’est retrouvé dans cette reconnaissance de mécanismes qui existent et qui peuvent être renforcés. Et qu’on est pas réductionniste, on donne au contraire un effet de levier supplémentaire aux enfants en situation de handicap. On va vraiment dans un sens très rassurant 

 

Quels sont les grands défis du CERENE  dans les années à venir ?

 

Je dirai que c’est grandir sans se galvauder, sans se diluer. C’est d’avancer en étant de plus en plus aiguisé dans nos méthodes de compréhension, dans  notre apport tout en restant accessible des usagers. Par ailleurs l’autre défi du CERENE c’est la réintégration, c’est-à-dire faire en sorte que les élèves puissent être accueillis en milieu ordinaire facilement en gardant en classe leurs aménagements. 

 

Pourquoi la reconnaissance des troubles a mis du temps à se faire et qu’est ce qui est à l’origine de ce retard ?  Y-a-t-il encore des difficultés qui minent la reconnaissance des troubles ? 

 

C’est un processus d’une quinzaine d’années. Il se décompose en 3 grandes étapes :

– 1ère étape : le rapport de l’inspecteur Ringard en 2000, qui fait une synthèse sur les enfants qui ont des difficultés (en disant qu’il y a 8 à 10% des enfants qui souffrent de troubles du langage écrit et oral). Il a induit une première interrogation autour de ces troubles. Cela a été une prise de conscience forte. 

– 2ème étape : la loi 2005 sur la création de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) qui a reconnu les troubles cognitifs  comme un handicap à part entière : comme une sorte de désavantage de certains enfants. Cela a donné un gros élan parce qu’auparavant il y avait un regard unique sur ces difficultés rencontrées par certains enfants.

– 3ème étape : La mise en place du PAP en 2015. Il a permis aux familles de ne plus obligatoirement passer par la MDPH pour reconnaître la difficulté scolaire comme étant un trouble d’apprentissage (ce qui pose d’autres questions par ailleurs). A partir de là, il y a eu une explosion du nombre de sollicitations du système scolaire. Entre 2005 et 2015, le nombre d’enfants en situation de handicap a doublé de 150 000 à 300 000. Le système a explosé parce qu’il est désormais facile pour une famille de faire reconnaître la différence de son enfant sans passer par la MDPH

Aujourd’hui au niveau du contexte et de l’écosystème le grand défi c’est de répondre à la massification de cette demande.

Globalement, on voit que les choses changent petit à petit et ça va dans le bon sens mais il faut savoir qu’il y a un temps long et ce temps les familles ne l’ont pas forcément et surtout que l’enfant grandit. Il faut jouer sur deux tableaux simultanément : donc ne pas renoncer à l’évolution globale du système (qui va prendre du temps) et en même temps répondre immédiatement aux demandes des familles. 

 

En quoi la coordination entre le pédagogique et le paramédical est importante pour le CERENE ?

 

C’est un enjeu pour le CERENE. C’est d’ailleurs ce qui nous caractérise : savoir faire travailler ensemble des experts qui ont autant de différences : Chacun a ses enjeux, son emploi du temps, son vocabulaire, son rythme mais en dépit de ça tous travaillent ensemble pour un objectif global et commun qui est l’accompagnement de l’enfant dys afin de l’aider à compenser et à contourner ses difficultés. C’est la force du CERENE aujourd’hui. A  travers des techniques et des outils de collaboration et d’échange, on crée le lien, le dialogue pour le grand bénéfice de tout le monde : famille, enfant, enseignants et professionnels de santé. Ce n’est donc pas une perte de temps, bien au contraire.