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On entend beaucoup parler de précocité intellectuelle, de « haut potentiel » (HPI),

mais scientifiquement qu’en est-il ?

On constate aujourd’hui souvent que dès lors qu’un enfant est en difficulté ou en échec scolaire, la question de la précocité intellectuelle ou du haut potentiel est posée. Cela soulève de nombreuses interrogations, tant du point de vue scientifique que de la prise en charge efficace des difficultés, bien réelles, de l’enfant. 

Quand la source des difficultés est uniquement analysée via le prisme de la précocité, le raisonnement et l’analyse sont biaisés. En effet, cela occulte la possibilité pour les familles et l’enfant d’envisager que des troubles, parfois cooccurrents, puissent être la raison principale des difficultés rencontrées. Cela peut alors engendrer des orientations scolaires qui mettront l’enfant dans une adversité supplémentaire et empêcher les prises en charge de rééducation et ou de remédiation qui lui permettraient d’outrepasser ses difficultés.  

Précisons un élément primordial : le haut potentiel intellectuel n’est pas un trouble. Il ne constitue pas un diagnostic au sens médical et scientifique du terme et ainsi ne peut être une cause d’échec ou d’inadaptation scolaire.

Pour clarifier il est important d’expliquer ce qu’est, au sens neuropsychologique, l’intelligence.

L’intelligence qu’est-ce que c’est ?

L’intelligence, aussi appelée « efficience intellectuelle » ou Facteur G, repose sur deux piliers : les capacités de catégorisation/d’abstraction (la capacité que nous avons à mettre ensemble ce qui va ensemble, par exemple identifier que rouge et bleu sont des couleurs ou que coude et genou sont des articulations) et les capacités de raisonnement (déduire des données nouvelles à partir d’informations initiales “si je prends un parapluie, quel temps fait-il ? Il pleut”). Un enfant particulièrement intelligent aura donc d’excellentes capacités de raisonnement et d’abstraction pour son âge, éléments généralement en faveur de la réussite scolaire.

Ainsi, un enfant HPI comprendra donc facilement et rapidement les attendus pédagogiques et y répondra avec aisance. Il n’existe pas du point de vue scientifique la possibilité d’être “trop intelligent”.

Comment évaluer l’efficience intellectuelle ?

Lorsqu’un enfant est en difficulté à l’école, il lui sera certainement proposé de passer un test psychométrique pour évaluer son quotient intellectuel, le QI, à l’aide d’une batterie d’épreuves appelée WISC-V (Échelle de Wechsler pour les enfants de 6 ans à 16 ans 11 mois). 

Ce test consiste en une série d’épreuves variées, verbales, perceptives, qui testent la mémoire de travail et la vitesse de traitement des informations. Si ce test du WISC-V est un excellent outil de débroussaillage neuropsychologique, il ne constitue qu’un point de départ dans les investigations des aptitudes et des fragilités de l’enfant. En effet, le test du QI est loin d’être complet et certaines facultés ne sont pas du tout évaluées : le langage écrit et l’écriture, par exemple, mais aussi le sens des nombres, la cognition sociale, les fonctions attentionnelles, exécutives, presque rien sur la mémoire, les praxies, etc. De plus, le calcul d’un QI ne constitue qu’une moyenne de la réussite à diverses épreuves évaluant des compétences cognitives très différentes, on vient donc lisser les capacités et les difficultés de l’enfant. 

Afin d’évaluer finement le potentiel intellectuel de l’enfant, il est nécessaire de lui proposer diverses épreuves évaluant ses capacités de catégorisation/d’abstraction et de raisonnement. Certaines seront issues du test du WISC-V et seront complétées par d’autres épreuves tirées de différentes batteries de tests. 

Le « haut potentiel intellectuel » représente quelle proportion de la population ?

Les effectifs des catégories d’une échelle normalisée (calculée à partir de moyenne et d’écart-type) sont établis à partir des propriétés de la distribution théorique de Laplace-Gauss. On l’appelle aussi « loi normale » et elle donne naissance à la « courbe de Gauss ». Le test WISC, ainsi que tous les tests standardisés, repose sur cette loi qui permet d’identifier une norme et par extension, les différents écarts à cette norme. 

Selon celle courbe, la distribution de la population se répartit ainsi :

  • 68% de la population se situe dans la zone « moyenne » 
  • 13,5% de la population se situe dans la zone « au-dessus de la moyenne » et autant dans la zone « en-dessous de la moyenne »
  • 2,5% de la population se situe dans la zone « très supérieure à la moyenne » et autant dans la zone « très inférieure à la moyenne ». 

Aussi, la proportion de personne présentant une précocité intellectuelle est donc de 2,5%, et correspond à la même proportion de personnes présentant « une déficience intellectuelle ». 

L’immense majorité des 2,5% des enfants se situant dans la zone très supérieure à la moyenne (avec un QI supérieur à 130) réussit généralement brillamment son parcours scolaire, ne passe donc pas de test WISC, et n’est donc pas détectée. Quand difficulté scolaire il y a, il faut donc chercher ailleurs la source du problème. 

Précocité intellectuelle et troubles des apprentissages :

Si un enfant intelligent souffre de difficultés scolaires, il est possible qu’il présente un ou plusieurs troubles des apprentissages et ou des difficultés psychologiques ou émotionnelles. 

La précocité intellectuelle n’exclut pas des difficultés d’autres ordres. Ainsi malgré toute la pertinence dont l’enfant peut faire preuve, sa réussite scolaire peut être entravée par des troubles instrumentaux, ce sont les troubles « dys » : dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, trouble attentionnel et troubles des fonctions exécutives, dysphasie, dyscalculie etc.

Se focaliser sur une intelligence très élevée pour expliquer l’échec scolaire de l’enfant peut donc constituer un diagnostic erroné et une non prise en compte des troubles de l’enfant. Ceci pouvant générer une mauvaise orientation scolaire et une mise en difficulté de l’enfant. La confiance en soi peut s’en retrouver très altérée du fait d’exigences non adaptées et d’attentes trop importantes. 

En conclusion :

Lorsqu’un enfant est en difficulté voire en échec scolaire, la suspicion d’une précocité intellectuelle n’est pas la bonne question à se poser. Une intelligence très supérieure à la moyenne ne constitue pas un trouble, n’est pas un diagnostic, mais évoque d’excellentes capacités d’abstraction et de raisonnement. 

Face à des difficultés scolaires saillantes il est important de se poser la question d’un trouble des apprentissages. La passation d’un unique WISC, un test de QI, ne permet pas de répondre à cette question car ce test n’investigue pas toutes les fonctions instrumentales et n’est qu’un point de départ permettant d’élaborer certaines hypothèses. Seul un bilan neuropsychologique complet, investiguant l’ensemble des fonctions instrumentales de manière approfondie permettra de mettre en lumière les facultés et les éventuels troubles de l’enfant.

Une fois le diagnostic posé, des recommandations pourront alors être établies afin d’accompagner au mieux l’enfant dans la poursuite de ses apprentissages, que ce soit en termes d’orientation, de prise en charge ou d’aménagements pédagogiques. 

Nathalie Khann

Neuropsychologue 

Elsa Levy Prudent

Directrice Générale Adjointe